"Son grand-père, maréchal-ferrant, tenait boutique, là, près du vieux pont de fer, deux fois soulevé par crainte des innondations de la Yamaska. Son père, M. Emile Juneau, avec les années, vit s’amenuiser le nombre des chevaux à ferrer au rythme de l'augmentation du nombre des pompes à essence pour automobiles."

“Mon père tenait une boutique de forge. Le ferrage des chevaux devenait un peu dur pour lui; sa santé commençait à s’ébranler. Un jour, le notaire Dusseault lui commande une girouette, pour. faire “à temps perdu”. Il prend goût à un tel travail qui lui donne l’idée de s’appliquer à “des ouvrages fi

nes”. Un client, puis un autre, se risque à commander, ou des chenéts, ou un fanal pour projeter la clarté au seuil de son foyer. Chacun apporte avec sa confiance, son goût, ses suggestions. L'occasion d’inventer, de créer, pour un artisan est toujours “sa grâce d’état”.

—Et toi, le jeune Marcel, que faisais-tu pendant ce temps-là ?

—Moi, j'allais au Collège.

—A avec l'idée de continuer la besogne de ton père ?

—Jamais de la vie , . . Je voulais embrasser une profession . .

—Comme si c’était la profession qui honore l'homine !

—Oui, mais jusqu’au jour où j'ai compris que .c’est l'homme qui honore sa profession.”

Et Marcel Juneau a été pris au feu clair de la forge, d’où sortaient de jour en jour des pièces soigneusement ouvrées. Le père faiblissait. Il fallait une main jeune pour tenir le crayon qui fixait le plan des pièces. Le fils “se faisait sa place” et en vint à prendre les pinces, le marteau et tout le métier, avec sa vie et ses exigences.

C’est après avoir ainsi changé d’idéal que le père et le fils se rendaient à Québec il y a 17 ou 18 ans, pour exposer des pièces de leur art dans l’une des premières expositions artisanales de la Province, emportant avec eux, leur soufflet, leur enclume, pour travailler sur place.

A la mort de son père, survenue en 1944, M. Juneau, quoique âgé de 21 ans seulement, avait toute la préparation technique pour entretenir le feu de la forge, et l'expérience des affaires pour porter le flambeau

Extrait de : À la Vieille forge, Marcel Juneau de St-Césaire de Rouville, maître incontesté de la ferronnerie d'art, Réal Carrière, Le Droit, 7 mars 1959, cahier 2 p. 8 (BANQ consulté le 12 octobre 2023)