"Trois générations de forgerons Juneau se sont succédé à Saint-Césaire : Joseph, Émile et Marcel. Plus de trois quarts de siècle d’histoire à travers laquelle passent les grandes transformations de l’un des plus vieux métiers du monde en l’un des plus beaux métiers d’art.
Marcel Juneau se souvient, alors qu’il était enfant, d’avoir vu son père, Émile, forger avec son grand-père, Joseph. Il se rappelle aussi de l’anecdote qui amène son père à passer progressivement du métier de forgeron à celui de ferronnier d’art. «Un jour, le notaire Dussault, de Saint-Césaire, vient voir mon père pour lui commander une girouette, qu’il voulait installer sur le toit de sa belle maison, qui, soit dit en passant, a déjà servi à cacher Louis-Joseph Papineau. C’était la première fois que quelqu’un demandait à mon père de faire autres choses que des fers à cheval ou des outils. Il en a parlé longtemps, mon père, et ça doit être à ce moment-là qu’il a trouvé son deuxième souffle.
Marcel Juneau commence à apprendre son métier à l’âge de 16 ans. «Mon travail dans ce temps-là consistait surtout à courir les casses pour ramasser des pièces d’autos pour recycler le fer. En somme, j’apportais la matière première à mon père. Il m’a fallu patienter un an avant de pouvoir forger. Je me souviens d’avoir travaillé sur un gros contrat : des fanaux pour la cathédrale de Moncton. C’est cette importante commande qui décida mon père à se lancer exclusivement dans le fer forgé, qu’il appelait alors le fer ornemental. Il était l’un des premiers forgerons à être équipé de soudure autogène.
Marcel a 21 ans, à la mort de son père. M’appuyant sur l’expérience acquise avec mon père et sur mes lectures de quelques rares bouquins trouvés à l’École technique et dans la bibliothèque de l’École du meuble de Jean-Marie Gauvreau, je produisais des objets fonctionnels (ornements de foyer, lanternes, jardinières, cendriers…), très populaires auprès de la clientèle anglaise. Vite, des curés s’ajoutent aux clients anglais, et ça fait boule de neige."
Extrait de : CAPSULES HISTORIQUES, Pierre Vincent, Société d’histoire et de généalogie des Quatre Lieux