Recherche sur le site
Manifeste des Plasticiens
Lire la suite
Les peintures des Plasticiens ne sont pas les visages de choix, mais ceux d'ultimes nécessités, d'inévitables obsessions, de réductions transcendantales. Le niveau de connaissance auquel les peintures font appel, dans leur génèse et dans leur unité est, en définitive, celui de l'intuition et non pas de la science. Si leur nécessité apparaît plus logique qu'intuitive, c'est que la simplification des moyens conduit à un résultat épuré conventionnellement admis comme excluant la personnalité.
La portée du travail des Plasticiens est dans l'épurement incessant des éléments plastiques et de leur ordre; leur destin est typiquement la révélation de formes parfaites dans un ordre parfait.
Leur destin et non pas leur but, étant donné qu'ils travaillent dans l'amour du moment présent.
Les Plasticiens n'admettent pas la postulation a priori de ce qui est élémentaire et de ce qui est parfait. Pour eux, ce ne sont pas là des données, mais des acquisitions que seul le travail individuel dans la plus entière liberté peut permettre de faire. Leurs découvertes peuvent coïncider, mais ils n'en croient pas pour autant avoir touché une vérité objective.
Les Plasticiens ne se préoccupent en rien, du moins consciemment, des significations possibles de leurs peintures. Mais comme en ne cherchant pas à lui donner une valeur littérale, ils n'excluent aucune des significations inconscientes possibles, elle devient de ce chef, le reflet de leur propre humanité.
En somme, les Plasticiens obéissent à la nature, et c'est pourquoi leurs peintures tendent vers une complète autonomie en tant qu'objets.
Les Plasticiens ne prétendent pas apporter des apparences tout à fait nouvelles, ni immuables. Malraux a écrit que les tableaux naissent des tableaux. L'intuition même la plus pure s'exprime toujours avec un certain degré par le truchement des souvenirs.
Le travail des Plasticiens s'inscrit également dans l'histoire de la peinture au Canada et plus spécifiquement à Montréal. La peinture non-figurative a acquis à Montréal ses droits de noblesse depuis les premières expositions automatistes. Elle a pu naître ailleurs avant, mais elle est véritablement née ici, alors. Dans la solution qu'apportent les Plasticiens au problème posé par leur désir de peindre, la révolution amorcée par Borduas apparaît comme germinale.
La Renaissance avait libéré les arts de la servitude à un rituel spirituel. Les divers grands mouvements du XIXe siècle et finalement le Dadaïsme, le Surréalisme et l'Automatisme les ont libérés de la servitude à un rituel matérialiste. Mondrian a permis de réduire l'ultime aliénation de l'oeuvre peinte, l'extériorisation de la concertation sur soi-même.
Le véritable rôle de l'artiste est d'engendrer la soif de la vérité. Le sens des oeuvres est toujours faussé par leur publication. Aussi la mise-au-monde doit-elle le plus possible coïncider avec la création.
Il faut travailler à engendrer un climat d'inquiétude vis-à-vis des arts de la part du public, et non pas simplement une familiarité qui tourne facilement au mépris.
Il ne reste de spirituel que l'angoisse.
Il n'y a pas en 1955 d'art sacré ; l'art est sacré. La création, qui est aussi intuition, est l'unique forme de la vérité.
Est respectable dans son intégrité tout art vrai.
Est respectable dans son intégrité toute oeuvre dont j'ai l'intuition qu'elle est vraie pour son créateur.
C'est là ce qu'on appelle l'amour du prochain, l'existence de l'autre.
Une oeuvre peut n'être pas la création de celui qui l'exécute, mais de celui qui la regarde ou d'une collectivité, plus simplement.
APHORISMES PLASTICIENS
Ce mode d'existence d'une oeuvre aussi la rend respectable.
Une oeuvre peut être le moment de vérité d'un peuple, d'une civilisation.
Mais le goût, la propension, l'acceptation ne peuvent pas être critères de vérité : seule l'intuition intuitionnée l'est.
Les Plasticiens
Louis Belzile, Fernand Toupin, Jean-Paul Jerôme, Jauran